L’adoption de la réglementation Volcker IL SUFFIRA DE PASSER PAR LA PORTE DE DERRIÈRE, par François Leclerc

Billet invité.

Après cinq ans de travaux, le nec plus ultra de la régulation bancaire a été adopté aux États-Unis sous le nom de réglementation Volcker. Son entrée en vigueur est repoussée d’un an et prévue en juillet 2015. Cinq régulateurs ont été à la tâche pour y parvenir, soumis à un intense lobbying : la Réserve fédérale (Fed), la Federal Deposit Insurance Commission (FDIC), l’Office of the Comptroller of the Currency (OCC), ainsi que la Securities and Exchange Commission (SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC). Nouveau monument de la régulation financière, la loi de 71 pages est précédée d’un préambule de 800 pages. Au terme de son accomplissement, une seule question se pose : va-t-elle accomplir sa mission ?

L’intervention d’une Chambre de Commerce américaine connue pour ses positions ultra-libérales, qui estimait encore à quelques heures de l’adoption de la réglementation qu’elle « allait placer les États-Unis en position de faiblesse face à la concurrence mondiale », pourrait faire penser que cette loi est rigoureuse. Mais la réaction de Wall Street, où les valeurs boursières des grandes banques étaient à la hausse, incite à penser que la peine est légère.

Toutefois, il se pourrait que des poursuites soient engagées avec le soutien de grandes banques par un habitué des tribunaux agissant pour le compte de la Chambre de commerce américaine, ou de la Securities Industry and Financial Markets Association (Sifma). Un angle d’attaque est même évoqué : le non respect de la procédure fédérale qui décrit les dispositions devant être prises lorsque une régulation est crée. Si cela se concrétise, ce recours à la loi ne sera pas très fair-play, étant donné que la nouvelle réglementation exonère les dirigeants des banques de toute responsabilité, ne rendant obligatoire que la seule certification par leurs soins des dispositions prises afin de la faire respecter, la suite n’étant plus de leur responsabilité. Ils bénéficient implicitement de l’immunité. Mais il n’empêche que les banques peuvent craindre une baisse de leur chiffre d’affaires de plusieurs milliards de dollars, de juteuses transactions étant délocalisées vers le shadow banking, et qu’elles se battront jusqu’au bout.

Alors, que penser de la portée effective de la réglementation adoptée ? Ben Bernanke, le président de la Fed, a apporté la réponse en reconnaissant tout de go : « l’efficacité ultime de la réglementation dépendra surtout des superviseurs ». Car sur la question la plus litigieuse – la poursuite des opérations de couverture et de teneur de marché qui n’est autorisée que pour le compte de leurs clients – l’encadrement a été indiscutablement renforcé, le reporting des banques accentué afin de démontrer que c’est le cas, mais tout dépendra en dernier lieu du travail et de l’appréciation des régulateurs : quelles transactions seront admissibles et quelles autres tomberont sous le coup de l’interdiction ?

Une mauvaise piste à été choisie : ce ne sont pas tant les banques qu’il faut réglementer que les produits financiers dangereux qu’il faut tout simplement prohiber. Car plus la régulation enfle et se complexifie, plus elle présente des failles qui seront mises à profit ; les trouver n’est qu’une question de temps et d’argent. Le plus élémentaire étant encore de déporter dans le secteur du shadow banking ce qui n’est pas permis dans le secteur régulé. C’est d’ailleurs l’argument que les banques, qui connaissent leur monde, ont utilisé pour réclamer des assouplissements. Mais à quoi sert donc de vouloir jouer au plus fin avec l’industrie financière ?

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Union bancaire européenne : Un nouveau rendez-vous est pris le 18 décembre, pour tenter de finaliser un compromis, qui n’a pas pu être finalisé par les ministres des finances hier dans la nuit. Les modalités en discussion sont de plus en plus complexes, les projets se succèdent, mais ils s’inscrivent toujours dans le cadre restrictif défendu par le gouvernement allemand. Si cela aboutit, les présenter comme le résultat d’un compromis, et non pas une tentative de sauver les apparences, va demander une certaine force de conviction (pour ne pas dire autre chose)